22 oct. 2010

Philo ludique: Histoire et narration (2e partie)

Il y a exactement une semaine, j'ai laissé la fin de mon dernier Philo ludique ouvert, promettant de discuter davantage sur la narration qui se retrouve dans les jeux vidéos. Eh bien, voici la deuxième et dernière partie.

J'ai terminé l'article sur les lourdes responsabilités que se donnent ceux qui veulent conter une histoire complexe dans leur jeu. Je crois que ça peut être un sérieux problème, qui est déjà connu pour avoir ruiné quelques jeux qui auraient été excellents autrement. À titre d'exemple, il suffit d'aller voir mon éditorial sur Metroid: Other M. Il ne faut pas dire que les histoires devraient bannies, loin de là, mais il faut admettre que les développeurs courent un risque en le faisant. Le tout repose sur la narration, comment le tout est dévoilé au joueur.


Les fameuses cinématiques et bulles de texte persistent depuis les débuts du PC. Dans ces situations, le joueur devient spectateur, relativement passif face à tout ce qui se passe devant ses yeux. À mon avis, c'est risqué, parce qu'on peut tomber dans un bon nombre de pièges.
Les premières questions à se poser est de se demander où on va les mettre, à quelle fréquence elles vont apparaître et combien de temps elles vont durer. Est-ce qu'on en met au début et à la fin de chaque opération, comme dans Trauma Team? Ou bien peu importe quand c'est requis pour faire avancer le jeu, style RPG? Deux ou trois minutes de long, ou bien faire progresser le tout sur dix minutes ou plus (ou si vous êtes Hideo Kojima, une heure et demie)?
Ensuite, on se demande si on laisse un certain niveau de contrôle au joueur pendant les cinématiques. Peut-il contrôler son personnage, dire des répliques qui lui semblent pertinentes? Ses répliques auront-elles même des répercussions? Peut-être est-ce qu'il peut continuer à explorer ses environs, voire même s'y trouver au coeur, comme dans Half-Life? Devra-t-il juste appuyer sur X jusqu'à ce que le blabla soit fini? Pire encore, on pourrait juste laisser les personnages parler, puis mettre un de ces foutus quick-time events, donnant au joueur (qui profite du temps mort pour se reposer un peu) trois-quarts de seconde pour appuyer sur un bouton pratiquement jamais utilisé, sinon il crève et devra tout recommencer. Ouais, çà, c'est interactif.
On a beau prendre toutes les décisions qu'on veut, il n'y a pas de combinaison parfaite. C'est très difficile de trouver un juste équilibre selon ce qu'on veut faire avec l'histoire et comment on veut faire passer le joueur à travers. Généralement, les développeurs trouvent un agencement correct de façon à ce que le joueur veuille continuer à jouer sans s'écoeurer. Certains en mettent trop, ce qui rallonge le jeu pour rien. D'autres n'en mettent pas assez, ce qui crée souvent de la confusion.

À mon avis, il ne faudrait presque jamais avoir l'histoire en premier plan. Il ne faut pas oublier que ce qui distingue les jeux vidéo des autres média est son aspect d'interactivité. Le plus le joueur est passif, le moins il peut avoir d'intérêt à continuer parce qu'il sait que peu importe ce qu'il fait n'a aucune importance. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai ni plus ni moins lâché les JRPGs depuis FF7; je peux vous les résumer assez facilement.
Un personnage introverti/inexpérimenté/sans histoire qui vit dans une communauté/un village marginalisé/isolé passe à travers un évènement qui change sa vie et part à l'aventure avec ses amis/compatriotes/personnes avec lesquelles il est obligé de traîner. Au cours de cette aventure, il rencontre une menace imposante, quelqu'un cher à ses yeux meurt/passe proche de mourir, il vit un traumatisme et/ou une crise d'anxiété/identité et il se resaisit. Une nouvelle menace démesurément puissante apparaît, mais la bande entreprenante finit par la vaincre en apprenant une leçon sur l'amour/l'amitié/le sacrifice de soi/l'environnement.
Et voilà un des plus grands risques des grandes histoires épiques: elle tombent dans les clichés assez vite. Il arrive que certains auteurs réussissent à éviter ces clichés, ou même de les rendre intéressants, mais ils sont peu nombreux dans cette industrie. Je sais que certains diront que je manque quelque chose de vraiment bon, mais il suffit de dire que c'est ce genre de chose qui a fait en sorte que je ne veux rien savoir de ces jeux, et je ne suis pas le seul.

Finalement, tout çà pour dire que je crois que toutes ces histoires et narrations, plus souvent qu'autrement, nuisent à l'expérience du joueur. Je suis désolé, mais si le focus principal de ton jeu est l'histoire, va écrire un livre ou réaliser un film. Les techniques ont été perfectionées et le public qui y va s'attend à ce genre de produit. Mets une histoire si tu y tiens tant, mais fais-la après ton jeu. Dans un jeu, et bien, on veut jouer.

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